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Photo du rédacteurMartine Marie

La forêt de l'oubli

Jeanine, Bertrand, Christian, Maryse, Jean-Yves, Anne, Patrick, Marcel, Brigitte, Victor, Salomé, Pierre, Joëlle, Lucien, Simone, Georges, Claude, Valérie, René, Sabine, Roger, Didier, Natacha, Catherine, Alain... Qui sont-ils ? Où sont-ils ? Un peu partout... ... Parmi nous et dans les CANTOU. J’en ai croisé quelques-uns dans la maison de retraite où je travaillais. Je n’ai jamais pu les oublier... Jamais ! Eux et leurs ombres erraient toute la journée à la recherche de leur visage oublié. Laissez-moi vous raconter : Les victimes de la forêt de l’oubli sont tous mortes, épuisées d’avoir trop erré dans les marécages de l’enfer. Là où les âmes se perdent, là où les visages s’effacent. Pourtant, cette forêt, il la connaissait. Cent fois, ils y étaient passés... Cent fois, ils s’y étaient baladés. D’ailleurs, si on leur avait demandé, ils auraient tous juré qu’elle était enchantée... Pas hantée. Mais voilà, il y a des choses qui s’imposent et qui ne s’expliquent pas... La brume, on ne sait pourquoi, arrive parfois. Choisis au hasard, aspirés par le brouillard, ils ont été emportés par les bras désarticulés des arbres de la forêt. A chaque fois, c’était le même scénario... L’un d’eux pénétrait sur un chemin forestier, trébuchait sur une pierre déposée par un démon mal léché, se cognait la tête et s’endormait. Etendu sur la terre glacée, le froid envahissait lentement son corps. Au loin, les charognards affamés se réveillaient et, dans un lugubre balai, se mettaient à tournoyer dans le ciel tourmenté. Quand les malheureux se réveillaient, tout avait changé. Il n’y avait plus de jolis chemins forestiers mais un fouillis d’arbres décharnés. Ils ne reconnaissaient plus rien. Entre les fourrés, ils tentaient de ramper. Les broussailles les agressaient, les écorchaient, les griffaient. Certains criaient, d’autres suppliaient. J’en ai même vu qui se lacéraient... Pris de folie, dans la spirale de l’angoisse, ils oubliaient. De là où j’étais, impuissante, je les observais, terrifiée. A chaque fois qu’ils pensaient avancer vers la sortie, ils ne faisaient que reculer un peu plus dans les ténèbres de cette forêt. Les démons affamés, arrivaient sous la forme d’un vent léger, pénétraient par leurs narines pour sucer leurs cervelles complètement usées. A bout de force, épuisés par cette ambiance démoniaque, ils s’effondraient sur le sol mouillé aux odeurs d’ammoniaque. Etrangement, c’était leur seul moment de tranquillité. Comme si dans la forêt, le cours des choses étaient inversé. Car au cœur des songes seulement, les anges venaient déposer dans leurs esprits brouillés quelques restes de leurs pensées. Ils retrouvaient alors ceux qu’ils aimaient. Ils pouvaient même leur parler, les toucher, les serrer. Ces instants de sommeil étaient des petites miettes de bonheur qui leur réchauffaient le cœur. Mais hélas, cela ne durait que quelques heures... L’appel de la forêt les réveillait et l’horreur recommençait. Complètement perdus, ils continuaient inlassablement à errer. L’espace, le temps, tout était modifié. La forêt ne leur renvoyait que l’écho lugubre de leur voix qu’ils recevaient comme des cris d’aliénés. Mais le plus terrible, c’est quand enfin ils arrivaient à un point d’eau pour s’abreuver. Ils se penchaient et découvraient avec effroi que le miroir de l’eau avait oublié leur reflet. Sans doute que leur âmes les avaient déjà quittés...Qui sait ? C’est à ce moment précis qu’ils sombraient définitivement dans la folie de l’oubli. Jamais je n’oublierai. Jamais. Jamais je ne les oublierai. Je vais vous dire la vérité : La forêt de l’oubli porte en réalité un nom sans poésie : Alzheimer. Si vous l’entendez, courez ! Fuyez avant d’entendre l’appel de la forêt !


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