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Photo du rédacteurMartine Marie

J'ai vu une fée danser avec le vent...

La nuit avait été terrifiante pour Emma. Il y avait eu dans ses rêves des cris, beaucoup de violence et une passion si forte qu’elle avait cru à son réveil avoir perdu la raison. Toute tremblante, elle se leva. Son premier réflexe fut de regarder par la fenêtre... comme pour vérifier qu’elle était toujours bien au même endroit que la veille. Apparemment, rien n’avait changé. Pourtant, elle eut une impression étrange... Comme si ce jour devait être le dernier. Elle resta ainsi un long moment, debout, silencieuse et angoissée, devant la fenêtre. Elle se raisonna et se prépara pour sortir acheter des croissants. Elle aimait les croissants de la boulangerie de la rue verrerie. Lorsqu’elle mit le pied dehors, le temps changea soudainement. De gros et épais nuages chassèrent le soleil de juillet. Le peu de personnes qu’elle croisa dans la rue couraient ou marchaient d’un pas pressé. Que se passait-il ? Un homme, portant un feutre rouge décoré de pensées noires, la bouscula. Rapide, elle se retourna et l'interpela : - « Monsieur, s’il vous plaît ! » L’Homme s’arrêta et la regarda avec un air agacé. - « Monsieur, que se passe-t-il ? Pourquoi tout le monde court-il comme ça, ce matin ? » Il haussa épaules et sourcils, secoua la tête comme s’il venait d’entendre la question la plus stupide et continua sa route. Emma le fixa un moment. Tandis qu’il s’éloignait, sous le regard ébahi d’Emma, les pensées noires de son chapeau se détachaient et s’envolaient comme des papillons, vers les cieux mouvementés. Emma se dit alors que c’était sans doute le fruit de son imagination. Que les pensées noires ne peuvent pas voler et que si elles devaient se détacher, elles se seraient sans doute enracinées... Pas envolées ! Elle continua sa route. Inquiète, elle accéléra le pas. Il y avait encore un bon kilomètre pour arriver à la boulangerie. Le vent se leva brutalement et l’angoisse, tel un venin lent, se répandit insidieusement dans ses veines. Ses mains commencèrent à trembler. Une horde de moineaux fous volèrent juste au dessus de sa tête de manière complètement désorganisée. Comme une nuée de moucherons, ils tournèrent autour d’elle. Elle eut juste le temps de se protéger le visage quand l’un d’eux tenta de lui crever les yeux. Les peupliers qui bordaient la rue s’agitèrent eux aussi. Leurs branches, comme de long bras d’épouvantails, gesticulaient dans tous les sens. On aurait dit qu’ils cherchaient à effrayer les passants. La jeune femme se dit qu’après tout ces arbres n’étaient peut-être pas des arbres mais des monstres auxquels elle n’avait jamais prêté attention. Plus elle marchait et plus elle avait l’impression que la rue s’étendait, s’étirait. La boulangerie, c’est sûr, reculait ! Au loin, elle vit les premiers éclairs fuser à travers l’espace. Au premier coup de tonnerre, elle sursauta. Elle crut un instant que son cœur allait s’arrêter mais elle l’entendit battre encore. Cela la rassura... un peu. Elle vit un enfant à la fenêtre d’une maison la montrer du doigt. Visiblement, il criait qu’il fallait l’aider. Mais une main l’agrippa brusquement et l’éloigna un peu plus à l’intérieur de la maison. Le vent devint plus violent que jamais. La pluie se mit à tomber en trombes. Alors que le vacarme assourdissant du tonnerre faisait trembler les murs des maisons, une bourrasque terrible fit envoler des étals de légumes. Les poubelles et les vélos dévalèrent la rue à toute vitesse. Un poteau électrique dégringola, emportant avec lui un gigantesque panneau publicitaire qui vantait les bienfaits des voyages dans les îles. Emma, terrorisée, s’accrocha désespérément au tronc d’un arbre. Ses cheveux, tels des algues échouées, s’étaient agglutinés sur son visage. Ses habits, trempés, lui collaient à la peau. On aurait dit une princesse perdue au milieu des flots. Elle décida de lutter... Jamais elle ne se laisserait couler ! Jamais ! Alors elle hurla au vent. Elle le regarda droit dans les yeux en le défiant ! Eole, éclata de colère. D’un coup violent la flanqua par terre. Collision brutale ! L’impétueuse cogna sa tête sur le sol bétonné. Son visage, fragile, fut transformé en fontaine de sang... ... Torrent vermeil dévalant le long de ses seins blancs. La douleur fut si forte qu’elle se demanda si elle n’avait pas perdu un morceau de sa tête. De sa main, elle tata son crâne et découvrit, en son sommet, un volcan en feu.Elle s’y brûla les doigts. Alors que les éléments se déchaînaient et que ses forces la quittaient, allongée sur le sol trempé, elle regarda le ciel.Elle fut étonnée de voir les étoiles briller. Au cœur même de la tourmente, elles étincelaient de mille feux ! Jamais elles n’avaient été aussi belles. Elle s’apaisa et pleura de joie. Alors, son corps entier, comme une feuille d’automne, s’éleva dans les airs. Elle n’avait plus mal, elle n’avait plus peur. Elle ouvrit la bouche et but le vent à grandes gorgées. Elle s’enivrait de lui avec délice. A l’intérieur d’elle, il lui procurait mille caresses toutes plus passionnelles les unes que les autres. Elle se laissa faire. Et puis le vent la déposa sur une étrange planète... Là-bas, les pensées noires deviennent violettes et la pluie tombe à l’envers. Emma oublia et fantasma pour l’éternité sur cette planète enchantée. Sur la terre, l’ouragan avait fait des ravages. Les maisons de la ville s’étaient effondrées, les arbres avaient été déracinés. Il ne restait plus que des déchets éparpillés. Presque tout le monde fut tué. Seul un enfant fut sauvé. Lorsque le petit fut capable de parler, il raconta aux quelques survivants qu’au milieu de la tempête, il avait vu une fée danser avec le vent... On le prit pour un fou... Mais lorsqu’il fut grand, il devint le plus grand poète de tous les temps !


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